Quand on pense à de grands leaders, certaines caractéristiques sont récurrentes : « ils sont convaincus de leurs capacités, pénétrés par leurs convictions et leurs croyances », « ils font confiance à leur instinct», « ils tiennent le cap et montrent aux autres qu’ils ont tort », etc. Mais aujourd’hui cet archétype est obsolète.
En étudiant les dirigeants les plus prospères, Al Pittampalli, auteur de « Persuadable: How Great Leaders Change Their Minds to Change the World » s’est rendu compte qu’ils avaient en commun la volonté d’être persuadés.
Alan Mulally, le PDG qui a sauvé Ford Motor Compagny, est un grand sceptique en ce qui concerne ses propres opinions. Ray Dalio, l’un des gestionnaires de fonds les plus prospère au monde, insiste auprès de son équipe pour impitoyablement remettre en question ses idées. Dans notre société de plus en plus complexe, ces dirigeants ont réalisé que la capacité à remettre en question leur vision fournissait des avantages notables.
L’un des mérites à se laisser persuader concerne notamment la justesse quant aux prévisions. Dr. Philip Tetlock, de l’université de Pennsylvanie, a mené une étude approfondie sur la question, traquant 82 361 prédictions émanant de plus de 284 experts. Il a constaté que l’exactitude de ces prédictions se rapportait davantage à la manière dont les chercheurs réfléchissaient qu’aux connaissances qu’ils possédaient. Les meilleurs d’entre eux ne respectaient nullement les grandes théories, de sorte qu’ils étaient plus disposés à écouter de nouvelles informations pour ajuster leurs prévisions en conséquence.
Un autre avantage, non négligeable, est d’accélérer la croissance. Lorsque le psychologue suédois, K. Anders Ericsson, a étudié ce qui sépare les maîtres des médiocres dans un champ de compétences cognitives complexes (du violon au jeu d’échec), il a découvert que la qualité de la pratique déterminait la performance. Les maîtres étaient obsédés par l’identification et l’amélioration de leurs faiblesses; ce qui signifie qu’ils étaient en mesure de dépasser un biais humain naturel : la supériorité illusoire (tendance à surestimer nos forces et sous-estimer nos défauts) en restant ouverts aux commentaires critiques des autres.
Selon David Dunning, grand psychologue de l’université de Cornell, « la route vers la connaissance de soi passe par les autres ».
Bien sûr, les dirigeants ne doivent pas se laisser persuader sur chaque question et chaque problématique. À un certain point, il faut cesser de considérer les nouvelles informations et prendre une décision. Lorsque le temps est rare et l’enjeu moins conséquent, il est souvent acceptable de faire confiance à son instinct. Mais lorsque les enjeux sont plus élevés, il est important d’adopter un état d’esprit plus suggestible.
Ces recherches mettent en lumière et renforcent deux des dimensions essentielles du leader positif, qui se doit d’explorer les possibles en prenant des décisions de manière lucide et intègre.